Le Chilien Vicente Huidobro (1893-1948), fort d’une demi-douzaine de volumes en espagnol, vient d’énoncer les rudiments du créationnisme quand il s’installe à Paris en 1917, résolu à devenir un grand poète moderne. Il se rapproche aussitôt de Reverdy, qui fonde avec lui la revue Nord-Sud, d’Apollinaire et des peintres cubistes, commence à s’autotraduire ou à écrire en français et achève le recueil Horizon carré, suivi en 1918 par les plaquettes Hallali et Tour Eiffel, en espagnol par Poemas árticos et Ecuatorial. On le voit dès lors évoluer dans une épatante sélection de petites revues, dont Création qu’il dirige. Après l’anthologie Saisons choisies en 1921, il publie Automne régulier et Tout à coup en 1925, ainsi que d’étonnants Manifestes, synthèse de son apport théorique au terme de cette longue étape française. Il placera encore çà et là quelques poèmes en français, notamment à l’occasion d’un nouveau séjour de 1928 à 1932. Avant de devenir un géant de la poésie hispano-américaine, l’auteur du célèbre Altazor (1931) n’aura cessé de faire entendre sa note singulière parmi nos avant-gardes, du cubisme au surréalisme en passant par le dadaïsme et tout un « esprit nouveau » parisien et cosmopolite. Cette édition, qui réunit pour la première fois toute sa poésie française, entend remettre à l’honneur un Huidobro bizarrement et trop longtemps négligé.